Monday, May 12, 2008

Je me fais rare sur ce blog...

Plusieurs raisons à çà.

Tout se passe sur Madame Musique pour mes élèves et amis, les dossiers de madame Musique sont en suspens jusqu'à l'été (pas le temps, pas toujours envie), et ici c'est un portail, en fait.

Sauf que quand personne ne vient jamais sonner, on passe par la porte de derrière.




Cela dit, la vie continue. Le projet Petrouchka arrive à son terme, la pièce est écrite entièrement, les musiciens sont venus trois fois répéter avec les élèves, le spectacle aura lieu le 25 mai, un dimanche matin, à Créteil. J'espère que nous pourrons le rejouer au collège ou dans une salle proche, en Juin, pour que les autres élèves le voient. Ce projet m'a causé des joies mais aussi bien des angoisses, des soucis matériels et parfois relationnels, mais pas avec les enfants cela dit :) Cette classe est remplie d'anges pensants.

Je ne renouvellerai pas l'expérience de sitôt, du moins avec des partenaires extérieurs et une subvention en jeu. L'an prochain je ferai des sorties. C'est bien, les sorties.


Je n'abandonne pas pour autant mon travail de fourmi au piano, mes dessins et peintures, voici le dernier né (poésie muette des crayons, cela m'a fait le plus grand bien)


Je pose à présent mes hybrids et prends de la distance pour m'intéresser à l'orphisme (si tu sais pas ce que c'est va voir sur gogole).

J'ai eu le temps de rédiger mon article dans La muse affiliée (volume 10 N°3) sur le compositeur japonais Toru Takemitsu et hop, je planche sur le programme du bac 2008. La musique de "La mort aux trousses" de Herrman pour Hitchcock. J'aime bien, ça me change les idées que j'ai plutôt sombres ces temps. Le reste du programme, je le connais par coeur.

Je lis K. Gibran, H. Hesse, de la philo, en écoutant de la musique classique et les gothiques que j'affectionne de plus en plus.

Je communique beaucoup avec des gens sur myspace et facebook. Nous avons des causes communes, que nous échangeons ainsi que nos goûts et émotions quotidiennes, et c'est plutôt réconfortant. En plus j'y parle exclusivement anglais, ce que j'aime bien.

Et toujours au-dessus de tout, le boulot. Comment oublier une seconde que l'on est prof, que dans ce merveilleux métier qui est le mien, on transmet aux élèves non pas la musique elle-même, mais le goût de celle-ci, la patience de l'écouter, de la partager et d'en comprendre les secrets tout en en retirant du plaisir.

Sauf que maintenant, je vis très souvent mon métier comme une somme de bruit insupportable, une inattention relativement constante, une impossibilité de partage dans la classe. Eh oui, même si l'on ne veut surtout pas être craint, on aimerait quand même un peu de ce que l'on appelait autrefois le respect, mot qu'à force de prononcer à tort et à travers, l'on ne reconnaît plus. Il faut accepter de faire cours dans le brouhaha des conversations que les élèves poursuivent sous votre nez, d'entendre des réflexions ("y'a pas que moi!!!") désobligeantes et insolentes lorsqu'on demande un peu de silence, de gérer des conflits entre élèves de plus en plus incompréhensibles. C'est très fatigant la désorganisation. Finalement il y a quelques éclairs de joie, mais la lassitude m'a prise. En 20 ans je crois avoir tout essayé pour ne pas être ennuyeuse, et les activités sont très diverses, utilisent tous les supports possibles. C'est juste que le collectif n'existe pas, et vous êtes censés faire cours à un collectif. Et puis quand j'ai cet acouphène qui revient régulièrement depuis janvier dernier dans mon oreille, cela devient insurmontable d'entendre des bruits parasites.

C'est aussi peut-être que je ne crois plus à l'école de demain, avec tout ce qui se prépare, et comme je ne veux pas cautionner le massacre, il y a fort à parier que j'irai traîner ma rébellion autre part, un jour, là où je me sentirai utile, et où tout le fruit de ce travail servira à quelqu'un qui montrera un peu de reconnaissance, voir de l'intérêt. Peut-être pourrai-je écrire un livre sur l'enseignement de la musique au collège et partager mes expériences.

Anecdote significative de mon dégoût actuel: Mardi dernier j'ai vu arriver une fille dans ma classe avec une peluche coincée entre les seins. Une de ces filles arrogantes, bruyantes, agressive, que les professeurs craignent. J'ai vu qu'elle s'était mise devant, et qu'une autre fille s'était faite déloger, alors qu'elle voulait travailler. J'ai donc demandé à la première de laisser la place, vu que depuis la rentrée, elle ne fait rien (et encore je passe sur son attitude). Voyant qu'elle ne voulait pas, au bout de trois demandes, je l'ai exclue. Elle s'est mise à hurler "Ta gueule!!!" plusieurs fois de façon très violente. Puis elle s'est levée et a secoué plusieurs fois la porte sur laquelle j'avais ma main, au risque de me fracturer le poignet. Ensuite un garçon s'est levé car elle a commencé à dire qu'elle allait me frapper et s'est avancée vers moi. Le garçon s'est mis entre moi et elle en essayant de la calmer, mais elle continuait à avancer. Je suis restée étonnamment calme. Je me suis dit: "Mais frappe-moi, qu'on en finisse...ensuite je rentre chez moi." Elle a fini par partir. J'ai demandé une journée d'exclusion. Cependant, malgré cet incident gravissime, j'ai poursuivi mes cours. Eh oui, 20 ans de zep, ça déforme le mental, on peut encore faire cours après une telle violence. Mais lorsque je raconte cela à des gens qui ne sont pas profs, ils sont scandalisés. Il seraient rentrés chez eux, ils auraient fait un scandale...Peut-être ont-ils raison. Si Mardi cette fille met un pied dans ma classe, je demanderai qu'on me cherche un surveillant, et je descendrai tant qu'elle n'aura pas filé en permanence. Jusqu'à la prochaine fois.

Je pense que l'avenir sera pire. Actuellement il y a 8 forcenés en moyenne dans une classe. Quand les élèves seront une trentaine , il y en aura une dizaine. Je sais ce que je dis. Personne ne peut gérer 10 bavards bruyants agressifs violents. Alors je rendrai les armes.

Pour le moment je serre les dents, la fin de l'année est proche, et je veux bien mettre çà sur le compte du stress, de la fatigue. Mais je sens bien que quelque chose s'est cassé depuis 3 ans que je suis à Paris. Mais peut-être est-ce surtout que je n'ai plus besoin d'aller à l'école? Ce serait le seul point positif.

11 comments:

Ondine said...

Tu as raison: la notion de respect en est une qui se perd, dangereusement, et pas qu'à l'école. La politesse disparaît des conventions sociales, le mépris se lit sur toutes les lèvres ou presque, trop de monde (jeune et moins jeune) décide d'avoir recours à la violence pour s'exprimer. Connaîtrons-nous enfin un retour du balancier? Devras-tu abdiquer pour ne pas être bouffée toute ronde? Je n'ai pas de solution toute faite au problème, bien sûr, mais ce que tu racontes me rejoint profondément. Si les passionnés comme toi, comme moi (moi aussi, je commence parfois à devenir blasée) rendent les armes, que restera-t-il du système d'éducation?

Ondine said...

P.-S. Il est bien beau, ton dessin, parfaitement ensorcelant.

madame musique said...

Oh eh bien ils en feront un peu ce qu'ils veulent, en fait. Une armée de zombis corvéables à merci parce qu'incultes. D'ailleur Gandhi disait: "When ignorance is your master, there is no possibility of real peace".
J'ai toujours su que je faisais ce métier par passion, pas pour la "sécurité" dont j'ai dajà débattu. Plus ton esprit est plein, plus tes poches sont vides, c'est bien connu. Je commence à accepter doucement l'idée d'un avenir différent, plus indépendant.
Il serait temps.

Cette peinture, je l'aime beaucoup aussi. De ces trois personnages, lequel est le plus en danger de disparition? Le haut se reflète-t-il vraiment dans le bas du tableau?
Question ouverte qui me pousse à peindre et écrire, car la réponse ne m'intéresse pas tant que la question elle-même.
Je t'embrasse mon amie, bonne nuit*.

Anonymous said...

Si des gens passionnés comme toi jettent l'éponge, qui restera pour évangéliser les fauves ?
Mais tu as raison, tu as beaucoup donné et tu as le droit de te reposer. Le métier de prof est un de ceux qu'on ne peut pas faire sans une motivation en béton !
J'espère que tu trouveras une activité qui te passionne (là je ne me fais pas trop de soucis ;-) mais aussi qui te permette de manger, parce que l'art c'est bien beau, mais ça nourrit pas son homme !...
Don't break down madame Musique !

madame musique said...

coucou Mme de K!
Je ne vends pas ce que je fais, je le montre et l'offre à des amis. C'est plus un miroir qu'un métier pour moi. Mais j'aime bien parler de mes créations avec d'autres par contre. ça permet d'avancer.
Je pense que je finirai dans l'humanitaire quand je ne serai plus obligée de travailler. Mes engagements ont pris de plus en plus de place ces dernières années. Le choix est vaste, les besoins phénoménaux. Mais çà non plus, ça ne paie pas. C'est juste que je me sentirai bien plus utile. j'ai déjà commencé, d'ailleurs.
Bises*

Anonymous said...

Comme je te comprends... moi qui ai fuit l'Ed Nat pour des cours de flûte en tête à tête ou quasi. En attendant une reconversion bon courage, tu fais des merveilles et certains s'en souviendront.

Anonymous said...

Ta rareté ne donnera que plus de valeur à ton retour !

Ne te laisse pas embêter par ces sales morveux ;-)

Bises

madame musique said...

Mon Dieu Alex, ça faisait longtemps!
Merci pour ta gentillesse. Je laisse passer la rentrée :/ et je m'y recolle...les cours sont déjà prêts dans leur petite boîte :)
J'ai passé du temps dehors, c'est bien, dehors, aussi.
Bisous, à bientôt.

Anonymous said...

C'est ton chat en photo ?

Oui, ça faisait un momemnt, mais je suis bien quand je viens chez toi, j'y trouve un endoit acceuillant avec de l'authenticité. Tellement de représentations, d'égocentrismes, de frime, de miroirs de la consommation idôlatrée, d'avatars de la société du spectacle...

J'aime comment tu façonnes et offres des chapitres de connaissance, comment tu exposes les événements avec nuance, les tiens, plus tels des ressentis que tels des jugements arbitraires. J'aime comme tu aimes partager, donner à entendre et penser, comme tu aimes la douceur en combattant la violance, comme tu aimes le vivant, la vie, l'amour.

Alors oui, je viens ici comme dans un espace de paix où l'on peut se laisser aller à être simplement, au chant des muses, naturellement, en toute sérénité.

Des bisous et à bientôt.

madame musique said...

Merci pour ton adorable comm, Alex.
J'aimerais arriver à créer cette ambiance pacifique dans ma classe :)
Peut-être mes séances de yoga m'aideront-elles cette année, même si ce n'est pas le but en fait.
Tu as raison, je n'ai pas les mêmes codes que ceux que tu décris, mais nous sommes nombreux dans ce cas. De toute façon j'ai déjà tendance à m'isoler, alors enseigner ça te relie bien les pieds dans le réel, lol!
Mais c'est vrai qu'il y a des choses que je supporte moins bien qu'avant, sans doute parce que je côtoie l'horreur de très près maintenant, et que quelquefois on a du mal à excuser certains comportements par comparaison, ce qui est sans doute une erreur.
Au plaisir, cher ami.

Vitor Oliveira Jorge said...
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