Jeff m'a envoyé aujourd'hui ce lien. J'ai donc visionné cette vidéo. Effectivement j'aurais plusieurs remarques à faire mais je vous laisse d'abord écouter (comme je le fais en classe pour ne pas vous influencer).
Un lien tout d'abord.
Educnet où est répertorié l'ensemble des pratiques des professeurs de musique toutes académies confondues. Les pratiques ont énormément changé en 20 ans. Que répondre à quelqu'un de la génération de Mr Allègre? qu'il est dépassé depuis bien longtemps et tient des propos qui sont réactionnaires? qu'il ferait mieux de s'occuper à des activités de son âge? qu'il n'est pas capable d'aligner deux mots, deux idées cohérentes et ferait mieux de lire un texte pré-maché? je ne m'abaisserai pas jusque là.
Je ne suis pas de ceux (celles) qui se laisseront diviser par ce genre de discours. Après 20 ans de ZEP, je serais bien placée pour penser que ce n'est pas le même métier pour tous les professeurs selon l'endroit où ils exercent. Mais à quoi bon nous dresser les uns contre les autres?
Eh bien, pour économiser encore plus, sans doute. Au début de ma carrière, j'enseignais 20 heures au lieu de 18 pour les autres. Avec le sentiment que j'étais donc un sous-prof. Les heures sup pleuvaient, puisqu'il y avait 20 classes au moins. Ou alors il n'y en avait que 16, et je devais compléter mon service, jouant le rôle d'un remplaçant (on sait le sort qui leur est réservé dans certains collèges). Lorsque j'avais des problèmes de discipline, on disait "c'est encore la musique!" comme si c'était ma faute. Ou l'on se plaignait du bruit, car la classe n'était pas insonorisée. Je passe sur les réflexions des parents (mais comment vous notez?"), celles de certains autres profs ("Zéro en musique? il chante faux?") et celle des CPE ("quand tu les mets à la porte, donne-nous un devoir!"), celles, douloureuses, des élèves ("prof de musique, c'est pas un métier!"). Pas de manuel, pas de partitions, pas de CD. Tout à acheter, emprunter, entasser au fil des années, de ma poche. Tout à faire, peu de conseils. Débrouillez-vous sur le terrain.
500 élèves, cela veut dire que quand vous donnez un travail (parce que j'en donne!) c'est 500 copies. Et ce ne sont pas des QCM...Les préparations de cours me prennent deux mois par an. Le reste passe en pratique personnelle (ça compte quand vous devez jouer devant vos élèves) et en recherches de tous ordres. A présent l'on vous demande de coller au "programme" (ce que je fais, en partie). Pour que le tout soit cohérent. On vous demande de faire des projets (les heures sup sont rarement payées, je préviens les passionnés). On vous demande d'être bon en informatique (B2I, MAO, notes et bulletins informatisés ainsi que courrier administratif).
Mais c'est vrai: les profs sont des privilégiés et feignants avec çà. Ils ne font "que " 20 heures.
J'ai appris la musique à 7 ans. Je pratique 5 instruments, en particulier je suis pianiste médaillée. J'ai mes diplômes de violoncelle, solfège, analyse harmonique, harmonie et contrepoint en poche. Je suis auteur-compositeur. J'ai fait un banal Bac+4 en 4 ans sans faute, et suis entrée dans le métier à 22 ans. 24 ans d'enseignement. J'aime bien mon métier, je le trouve épuisant mais passionnant. Mais bien souvent, après une journée de boulot, j'ai pensé que si j'avais 60 ans, je ne tiendrais pas le coup physiquement, psychologiquement.
Mais comme je suis une privilégiée, j'ai eu le temps de créer 3 blogs pour mes élèves avec , je l'espère, assez d'éléments pour pouvoir poursuivre le cours par de multiples informations, pouvant donner lieu à des exposés et recherches qui valident le B2I. C'est çà, la vie de feignasse. En un an, environ 300 messages. Environ 30 000 visites. Je sers à rien, c'est pour çà.
Moi ça va. Mr Allègre, c'est peut-être trop tard pour une thérapie (traumatisé par votre prof de musique? eh bien moi aussi et pourtant...!) mais vous avez encore le temps d'apprendre à vous taire ou à vous informer et réviser vos dossiers avant d'ouvrir votre bouche.
Je pense que vous avez votre place dans le gouvernement actuel. Surtout ne loupez pas le coche, c'est votre dernière chance. Bien à vous.