Tuesday, February 12, 2008

Lycée Alfred Nobel en grève (commission Pochard)

Je vous transmets aujourd'hui ce courriel que j'ai reçu, comme j'ai pris l'habitude de le faire.
Je serai en grève Vendredi 15 Février en réponse à l'appel du SNES.
Communiqué de presse du Lycée Alfred Nobel de Clichy-sous-bois.

Rédigé à la suite de l'Assemblée générale de ce mardi 5 février, qui a voté à l'unanimité moins quatre abstentions, la grève et le blocage de l'établissement jeudi 7 février à 8h.

Dotation horaires : un plan de naufrage pour la banlieue.

Nous, enseignants du lycée Alfred Nobel, refusons le projet de Dotation Horaire Globale (DHG) que nous impose le rectorat pour la rentrée 2008. En effet, s'il était appliqué, ce projet se traduirait par la perte de 68 heures hebdomadaires soit trois classes de première. En conséquence, plusieurs postes d'enseignants seraient supprimés, notamment en gestion et en histoire-géographie.

Ce projet, qui se pare de la vertu de la bonne gestion, est présenté par le rectorat comme une réponse à un creux démographique, qui se traduit par des baisses d'effectifs. En réalité, il est une conséquence de la volonté délibérée des gouvernements de ces dernières années de mettre en place un véritable marché scolaire, où les usagers comme les fonctionnaires, les établissements comme les filières, sont mis en concurrence les uns avec les autres.

Après avoir fait disparaître les Zones d'Education Prioritaires (dont étaient issus tous nos élèves), au profit d'un système de nivellement par le bas dans lequel les élèves les moins favorisés sont, dès la sixième, condamnés à en apprendre moins que les autres, il s'agit désormais de s'occuper d'eux à l'issue de la troisième : une minorité d'entre eux, les meilleurs, pourront, par l'effet de la suppression de la carte scolaire, s'inscrire dans les lycées les plus réputés. Pour les autres, les élèves accrocheurs qui veulent prétendre à quelque enseignement de qualité, mais dont les notes sont trop faibles pour qu'ils soient acceptés dans des lycées réputés de centre-ville, ou qui restent attachés à leur ville, le lycée de Clichy-sous-bois continuera de proposer quelques formations générales et technologiques, mais dont le nombre diminue : dame ! Trop peu d'élèves les réclament... Enfin, pour les plus fragiles, ce sera le Baccalauréat professionnel en trois ans au lieu de quatre, sans niveau intermédiaire, car les BEP sont supprimés. Il devront donc faire en trois ans ce qu'ils faisaient péniblement en quatre, et il est à prévoir que beaucoup abandonneront avant la troisième année, sans diplôme scolaire. Une telle perspective reléguerait encore davantage les élèves de Clichy-sous-bois dans l'échec scolaire, social et économique.

En arrière-fond, cet acte se déroule dans le cadre d'un théâtre nouveau : la mise en concurrence des acteurs de l'Education. Il s'agit d'évaluer les établissements, leurs projets et leurs équipes (ce que le Livre Vert de la Commission Pochard ne manque pas de revendiquer sur tous les tons). Mais, outre que le principe de la concurrence, en ce qui concerne l'éducation, est une monstruosité en soi, en plus elle s'opère dans un jeu faussé dès le départ. Elle sert juste d'argument hypocrite pour justifier une flexibilisation accrue des personnels : en effet, si le Lycée Alfred Nobel a perdu 68h par semaine pour son fonctionnement normal, il a gagné 10% de HSA en plus, c'est-à-dire d'heures supplémentaires qui pourront être injectées pour favoriser les projets de tel ou tel professeur « méritant », en fonction du bon vouloir du chef d'établissement.
Le Lycée Alfred Nobel est un « Lycée Expérimental Sciences-Po ». C'est-à-dire qu'il fait partie des cinq établissements de Seine-Saint-Denis qui ont été très médiatiquement choisis, après les émeutes de l'automne 2005, pour bénéficier de financements particuliers pour favoriser des projets « innovants », déstinés à ouvrir nos élèves au monde et à soigner l'image du Lycée, de Science-Po, et surtout des entreprises partenaires qui venaient ainsi s'occuper de leurs pauvres. Désormais Clichy-sous-bois, comme beaucoup d'autres villes pauvres, est candidate involontaire à l'expérimentation d'un degré de plus de misère et d'abandon.

Nous refusons que cette situation se poursuive. Nous exigeons au moins le maintien des structures existantes.
Des enseignants en grève du Lycée Alfred Nobel.
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SyndicatsP13_L: Liste de discussion intersyndicale Université Paris 13
SyndicatsP13_L@univenlutte.lautre.net
http://univenlutte.lautre.net/cgi-bin/mailman/listinfo/syndicatsp13_l

4 comments:

Anonymous said...

Je viens de publier un billet sur le même thème. J'espère que notre lutte sera aussi unanime que la vôtre. Courage.
RV, prof d'Histoire au lycée Colomb, Lure (Haute-Saône)

madame musique said...

merci pour eux, RV.
En collège aussi, nous avons perdu une classe l'an dernier (avec le prétexte de la légère baisse d'effectifs également, alors que ce nouveau quartier grossit à vue d'oeil).
Résultat: 30 élèves en 4ème. Un tiers aurait besoin d'un soutien et d'une aide à l'orientation intensifs.
Nous avons fait tourner une pétition avec l'aide des parents.
Nous avons récupéré notre classe.
La lutte doit continuer. Pour les enfants.

Anonymous said...

Je suis à fond pour une vraie école laïque et égalitaire (on dit comme ça ?), pour la non-rentabilité de l'enseignement, contre les heures supplémentaires, contre les classes de 30 élèves !
Ca peut paraître puéril de le clamer :-( mais ça fait du bien ...

madame musique said...

Thanks for your support, mrs K!
Sans rire. Les enfants ont des cours toute la journée. Ils ont droit au soutien en 6ème. Avec des heures sup et deux matières à gérer, aurai-je encore le temps de parler de musique avec les grands à la fin des cours? de répondre aux questions? de conseiller les petites 6èmes à qui j'ai consacré du temps hier soir, qui m'ont chanté un formidable duo et demandé de les faire travailler? d'envoyer de la musique à ceux qui veulent pratiquer à la maison? de monter un projet théâtre/danse/mime/musique pour lequel je donne 3 heures de mon temps, une heure étant payée? de lire tel ou tel texte et de donner mon avis? de faire des recherches sur les cours d'instruments pour un petit garçon qui veut faire du saxophone? ou d'acheter du matériel pour que l'on fabrique nos propres instruments en classe?
Ben non, l'école ce n'est pas l'usine, les enfants ce n'est pas du matériel. L'enseignement ce n'est pas que dans la classe, c'est partout. C'est d'abord un rapport humain, une écoute, une disponibilité.
La seule chose dont j'aie peur, c'est de l'inertie et de l'à-quoi-bonisme.
C'est à nous, mais aussi aux parents de défendre l'école qu'ils veulent pour leurs enfants. Il faut que tous les partenaires restent groupés.
Bon week-end à toi!